Ce qu’ils deviennent…

Oui, parce que c’est une des grandes grandes questions qui revient toujours, et c’est parfaitement normal… que deviennent, que sont devenus les élèves de Sudbury ?

 Sudbury Valley School

La Sudbury Valley School, la 1ère de toutes

Avec presque 50 ans de recul depuis la création de la 1ère école, il y a de quoi étudier ça de près… et un livre est même paru à ce sujet : « Pursuit of happiness » (paru aux éditions Sudbury, ils ont tellement écrit qu’ils ont fondé leur propre maison d’édition ! (clic sur l’image))

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Pour les 40 ans de l’école, plusieurs vidéos ont été réalisées, présentant des anciens élèves. Vous pouvez les voir (en anglais) par ici (« the lives of Alumni », 14 vidéos)

En 1996, Daniel Greenberg a écrit un article qui présente, selon lui, le « portrait-type » des élèves sortant d’une scolarité dans une école Sudbury, les traits communs qu’il a pu observer pendant ces 40 années, lorsque les élèves quittent l’école. Un article essentiel !!

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Daniel Greenberg, à l’origine de toutes les écoles Sudbury du monde…

Cet article s’intitule « Outcomes » et vous pouvez le trouver par ici en intégralité (en anglais).

Extrait (traduction non littérale, juste une prise de notes) :

Daniel Greenberg présente cet article comme un essai de réponse à la question légitime qu’il s’est posé maintes et maintes fois : « Est-ce que l’école Sudbury Valley fait un bon travail, en tant qu’institution éducative, en préparant les élèves à faire leur entrée dans ce monde et à mener des vies réussies ? ». Il entame ensuite une liste des caractéristiques prédominantes qu’il a repérées pendant les 40 ans de vie de l’école :

(tout ce qui suit est à mettre dans le contexte d’une école où les élèves vivent dans un milieu multi-âge à égalité avec l’adulte, dans un cadre démocratique, dans lequel chacun peut faire entendre sa voix et est force de proposition – ou de contre-proposition !-, et où chacun apprend à suivre ses intérêts sans limitation de temps ou de jugement par autrui)

  • Ce sont des êtres humains « décents » : ils sont ouverts, amicaux, dignes de confiance. Le genre de personne avec qui il est agréable de discuter, de travailler, de passer du temps
  • Ce sont de bon amis : ils sont généreux, loyaux, empathiques. Daniel Greenberg est épaté par leur capacité à garder les amitiés à travers les années, et malgré la distance.
  • Ils s’entendent bien avec les autres et savent ce qu’ils veulent et comment l’obtenir, parce qu’ils savent comment « cadrer » leurs besoins avec ceux des autres.
  • Ils aiment la vie : ils ont envie d’expérimenter, de découvrir et conquérir le monde, de voyager, ils sont aventuriers. Ils veulent vivre, non se cacher dans le brouillard ! Ils n’ont pas peur de vivre intensément, et de profiter (aussi bien que de souffrir) des conséquences de cette intensité de vie.
  • Ils ont un sens aigu d’eux-mêmes : ce ne sont pas des « suiveurs », ils se sont confrontés à leurs forces et à leurs faiblesses, et savent comment conduire leur vie.
  • Ils ont confiance en eux : ils ont développé une force intérieure et savent comment atteindre leurs buts. Ils ont une voix intérieure qui les guide et les rend surs d’eux-mêmes, même dans l’adversité. Ils savent que lorsqu’il leur manque les outils, ceux-ci peuvent s’acquérir avec patience et persévérance.
  • Ils s’adaptent facilement : ils n’ont pas peur des changements et de l’instabilité. Cela ne les paralyse pas, car ils ne pensent pas en terme de situations figées pour la vie : ils s’attendent à faire différentes choses à différents moments de leur vie
  • Ils agissent avec passion : ils connaissent l’expérience d’être débordés par un intérêt pour quelque chose ou quelqu’un.
  • Ils sont brillants : tous les enfants naissent avec une intelligence innée, mais certains la retiennent en grandissant, d’autres la perdent, à cause d’expériences les poussant à régresser ou à l’éteindre. La plupart des élèves de Sudbury, lorsqu’ils quittent l’école, ont repris possession de cette intelligence brillante innée.
  • Ils sont imaginatifs : ils rentrent rarement dans les « cases » de la société, car ils sont très souvent créatifs et indépendants. Ils se sentent à l’aise pour explorer de nouveaux et inexplorés chemins et savent prendre des risques.
  • Ils n’acceptent pas l’autorité injustifiée et sont conscients de leurs droits, de leur force, de leur capacité à défendre ce en quoi ils croient.
  • Ils ont une grande éthique : bien sur ils peuvent faire des erreurs et avoir des comportements regrettables, mais ont un sens moral très développé. Ils savent écouter.
  • Ils sont tolérants : ils sont profondément respectueux envers les autres et acceptent les différences, peu importent leur couleur, religion, avis politique, niveau social, vêtements, cheveux, langue, âge…
  • Ils ont un sens aigu de la justice : ils sont très sensibles aux problèmes sociaux, à un système qui serait juste pour tous et accessible à tous
  • Ils sont intensément curieux : ils ont l’habitude d’explorer leur environnement physique, social et intellectuel. Ils ont des sujets de conversation très variés.
  • Ils savent qu’on apprend toute notre vie et aiment apprendre pour eux-mêmes. Ils aiment découvrir de nouveaux domaines et maîtriser de nouveaux savoirs-faire.
  • Ils ont une bonne conversation : ils savent utiliser les mots justes pour présenter leurs idées et savent également bien écouter les arguments des autres.
  • Ils sont au fait du système politique : ils ont appris à utiliser le système pour atteindre leur but, ils savent présenter leurs idées, débattre, défendre leur position. Ils savent également reformuler et retravailler leurs propositions au besoin.
  • Ils sont à l’aise avec leur corps, et sont souvent des enfants et adolescents très actifs. Ils connaissent leur corps et ont souvent de bonnes bases de nutrition.

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M., 4 ans : « J’écris la liberté des enfants »…

-> Aucun de ces traits n’est quantifiable ou mesurable.

-> On ne retrouve ici aucune des caractéristiques qui sont importantes à l’école. Pourquoi ? (c’est Daniel Greenberg qui parle) 

1- « nous n’avons aucun moyen de savoir ce que connaissent nos élèves sur telle ou telle matière précise car nous ne les testons pas et ne leur posons jamais de question à ce sujet. Quand ils décident de s’auto-évaluer eux-mêmes (pour différentes raisons), ils réussissent quasiment à chaque fois, suffisamment en tout cas pour atteindre leur but. »

2- « je ne crois pas que ce sont des caractéristiques qui importent encore dans notre société post-industrielle de l’ère de l’Information… Les gens qui pensent que les résultats/caractéristiques qu’attend l’école de nos enfants sont importants ne seront certainement pas à l’aise à l’idée de mettre leurs enfants dans une école Sudbury ! »

Quel est la raison principale de ce succès, dans le fait que les élèves regroupent autant de ces caractéristiques ?

« A mon sens, c’est parce que nous avons ôté beaucoup de barrières et autorisons les tendances innées de l’être humain à fleurir sans interférence, sans jugement.  Avec les années, l’école a créé une culture dans laquelle tous ces traits sont les bienvenus et respectés par tous les membres de la « communauté ». »

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Il n’y a pas d’âge pour jouer aux échecs… même pour de faux

***

(je reprends la parole)

Voilà peut-être l’information essentielle à retenir, selon moi : aucun de ces traits caractéristiques, que les élèves d’école Sudbury apprennent à développer et/ou apprennent à conserver précieusement (contrairement à un élève dans le système classique) n’est mesurable ou quantifiable.

D’où la difficulté parfois, pour certains parents, de l’accepter sereinement, dans une société qui nous demande en permanence des résultats, des chiffres et cherche à nous coller dans des cases… « Que « vaut » mon enfant ? », « Où en est-il par rapport au programme/par rapport aux autres de son âge ? », « Est-il en retard ? », etc…

D’où également le questionnement essentiel, en tant que parent :

  • Que voulons-nous pour nos enfants ?
  • Que souhaitons-nous leur transmettre ?
  • Quel environnement désirons-nous leur offrir, pour développer quelles compétences, quels savoirs-faire, quels savoirs-être ?

Compétences scolaires ou compétences « humanistes » ? 

Motivation extrinsèque ou motivation intrinsèque ?

Utilisation d’outils normés ou auto-développement d’outils personnels ?

Dans l’idée que nous ne pouvons prévoir dans quel monde ils évolueront à l’âge adulte, qu’est-ce qui est le plus important ? Leur permettre d’acquérir, de gré ou de force, dans le plaisir, la résignation ou la souffrance des connaissances et compétences scolaires décidées par d’autres ou bien leur offrir un environnement leur permettant de développer leurs potentiels innés, de trouver leur voie, de se trouver eux-mêmes pour qu’ils acquièrent par eux-mêmes tous les outils dont ils auront besoin par la suite ?


6 réflexions sur “Ce qu’ils deviennent…

  1. Dans toutes la liste des qualités je ne vois pas celle de l’énergie,
    du rythme, de la force, de l’élan. Cela me semble trop calme, trop mou.
    Etre très mature c’est bien mais trop ? Etre ‘sage’, ne pas ‘élever la voix’,
    ne pas couper la parole rend terne une discussion. Cet état ‘mesuré’ sans vagues
    semble trop fort. L’origine de la quasi invisibilité de l’école libre découle
    peut-être en partie de ce fait. On peut ‘pousser’ sans ‘forcer’. On peut avancer
    franchement et pas nécessairement sur la pointe des pieds. Il ne s’agit pas
    d’être ‘violent’ mais d’augmenter la vitesse du vent sur sa peau pour sentir
    un peu plus fort les choses. Douceur, oui, mais pas que. Tout un ensemble.
    Une succession d’équilibre et de déséquilibre. De la saveur, de la couleur,
    du goût ! Bref, la vie !

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    1. Alors c’est que vous n’avez pas bien lu ! Si dans les 2 extraits qui suivent vous ne voyez pas l’énergie, la force et l’élan alors c’est moi qui n’ai pas compris !

      « •Ils aiment la vie : ils ont envie d’expérimenter, de découvrir et conquérir le monde, de voyager, ils sont aventuriers. Ils veulent vivre, non se cacher dans le brouillard ! Ils n’ont pas peur de vivre intensément, et de profiter (aussi bien que de souffrir) des conséquences de cette intensité de vie.
      •Ils sont intensément curieux : ils ont l’habitude d’explorer leur environnement physique, social et intellectuel. »

      Et en ce qui concerne la maturité, je pense qu’ils ne peuvent pas l’être « trop » puisque ce sont les enfants eux-mêmes qui choisissent le moment de leurs apprentissages et de leurs centres d’intérêt. Ils sont donc forcément prêts à recevoir les informations qu’ils vont chercher eux-mêmes quand c’est le bon moment.

      L’éducation nationale ferait aurait tellement de chose à apprendre de cette école…

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  2. On lit l’inquiétude de certains parents : « Que « vaut » mon enfant ? », « Où en est-il par rapport au programme/par rapport aux autres de son âge ? », « Est-il en retard ? », etc….
    Ce qui m’intéresse c’est le « etc. », en particulier les échecs de l’école dynamique. Y en a-t-il ? (forcément) Combien y en a-t-il ? (l’école traditionnelle obtient de l’ordre de 88% de réussite au bac). Quand s’aperçoit on qu’un enfant va droit dans le mur ? (à quel âge, si jamais on s’en aperçoit) Que fait on ou tente-t-on de faire pour transformer ces échecs en de moindre maux ? (je ne parle pas des autoévaluations en cours de « scolarité » à l’école dynamique, tout peut sembler très bien se passer, sauf qu’à la fin il y a un clash, ou une maladie psychosomatique, ou un abandon, ou une déviance, …) Quel est le suivi fait pour ces élèves après échec ? (on cite souvent celui qui ne savait pas lire jusqu’à 13 ans, mais quid de celui qui aura toujours des lacunes invisibles ou +/- visibles jusqu’à 18 ans voire au delà)

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  3. J.B a fait un commentaire intéressant parce que ce n’est pas la première fois que j’entends quelqu’un dire que l’atmosphère dans les écoles sudbury leur semble trop « molle », « léthargique »… Mais je ne suis pas d’accord de dire qu’il faille absolument qu’on puisse interrompre les autres dans un débat pour qu’il soit vivant. Mon expérience m’a montré maintes fois à quel point interrompre quelqu’un dans le déroulement de sa pensée peut créer des malentendus dans les dialogues: on croit savoir ce que l’autre veut dire, mais en fait non. C’est un manque de respect d’interrompre quelqu’un parce qu’on n’a pas envie d’écouter le déroulement de sa pensée parce qu’on a un préjugé sur ce qu’il va dire, on croit savoir ce qu’il va dire… Mais interrompre quelqu’un par enthousiasme, ça c’est autre chose, en effet, ça arrive, c’est vivant, c’est pétillant… Tout dépend du contexte… Pour ce qui est de l’atmosphère molle dans les écoles Sudbury, par contre, je trouve que les adultes devraient être libres de proposer des activités au jour le jour mais en insistant toujours fortement sur le fait que les élèves sont libres d’adhérer ou pas à ces propositions. Alors nous sommes dans un cadre très gai, où tout le monde est libre de proposer des activités, et où tout le monde, enfant et adultes, est libre de suivre ou pas ces activités, là il y aurait en effet plus de « dynamisme » que dans certaines écoles, j’ai déjà vu une école où les élèves devaient suivre toute une procédure et plein de règles pour proposer une activité: cela tue l’enthousiasme et l’élan. Faire place à ce qui est vivant chez les adultes et les enfants est important en effet, très important: proposer, ou mais attention sans JAMAIS forcer…ni jamais sous entendre que ce que l’enfant veut faire est dénué de sens, peu important… C’est très important aussi que l’enfant puisse développer ce qu’il porte en lui… Ce que les enfants portent en eux est merveilleux, un potentiel merveilleux qu’il ne faut pas réfréner, bafouer, et beaucoup d’écoles ordinaires bafouent ce potentiel incroyable !!!!

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