Où sont les filles ?

Ceci est une vraie grande question, bien plus large que la question de notre public presque exclusivement masculin : en effet, nous avons 3 filles de 3 à bientôt 6 ans, mais uniquement des garçons à partir de 7 ans (jusque 17 ans).

Le fait que nous n’ayons jamais eu de proposition jusqu’ici pour des filles « ados » ou « pré-ados » a relancé une question que je me posais déjà avant, et qui a trouvé maintes fois écho dans mes discussions avec d’autres personnes : comment explique-t-on le fait qu’il n’y ait que très peu de filles dès que l’on sort du système classique (« école du 1er type ») et/ou alternatif type « école du 2ème type » ?

  • Une discussion avec une amie dans le réseau non-sco révélait un constat assez similaire : bien souvent, lors de sorties, les filles se retrouvent à 2 ou 3, face à une grande majorité de garçons. Et que les filles sont, là encore, plus souvent « petites ».
  • Une discussion avec une psychologue qui réalise des bilans pour EIP révélait là encore le même constat. Et j’ai lu plusieurs études appuyant les faits : pendant l’enfance et l’adolescence, on trouve une majorité écrasante de garçons pour la réalisation de bilans pour le Haut-Potentiel Intellectuel, mais arrivé à l’âge adulte, les chiffres s’inversent : ce sont les femmes qui viennent majoritairement consulter, révélant leur HP… ! Une situation de souffrance venant dans 95% des cas motiver la réalisation d’un bilan, comment expliquer cette situation et surtout ce retournement de situation ?

-> « Parce qu’un garçon surdoué a tendance à se manifester, à se montrer agressif. La fille va plutôt intérioriser, se replier sur elle-même et se fondre dans le moule. » A lire par ici

-> « Les filles s’adapteraient-elles plus facilement? Causeraient-elles moins de soucis en se fondant davantage dans l’ambiance de leur environnement ? En cherchant à plaire ? Dans une démarche de conformité dont elle paye le prix fort à l’âge adulte? Pourtant il semblerait qu’à l’âge adulte, les femmes soient plus rebelles, révoltées que les hommes (…) Et ce vide des passations d’évaluations de l’efficience intellectuelle nous revient en boomerang à l’adolescence. Ces petites filles absentes dans nos cabinets durant l’enfance, nous viennent alors à l’adolescence, dans un mal être profond, une souffrance psychique parfois abyssale d’une identité à haut potentiel ignorée ». Etude à lire par ici 

Peu importe que l’on soit pour ou contre la descolarisation et l’IEF, peu importe que l’on « croit » ou non au Haut Potentiel Intellectuel (ou surdouement, ou douance, ou peu importe comment on l’appelle), le débat n’est pas ouvert à ce niveau ici… mais bien au niveau sous-jacent de « où sont les filles » ? Comment expliquer que, dans ces situations de non- ou de-scolarisation, l’on assiste à une sous-représentation écrasante des filles ? 

La question est sérieuse : où sont les filles ? Qu’est-ce qui explique que ce soient très majoritairement des garçons qui consultent et/ou sortent du système, bien souvent parce qu’ils expriment des troubles, toujours créés par de la souffrance ?

Comme si les filles restaient silencieuses pendant l’enfance et l’adolescence, s’adaptant pour le meilleur comme pour le pire, laissant la souffrance couver jusqu’à l’explosion à l’âge adulte (bien souvent à l’occasion du passage au statut de mère) ?

Toutes mes discussions avec d’autres personnes à ce sujet reviennent sur les mêmes questions (sans réponse…) : les filles sont-elles juste + « discrètes » face à un système qui ne leur convient pas ? D’où viendrait cette discrétion ? C’est comme si l’hypersensibilité entraînait du bruit (difficultés scolaires et/ou relationnelles) chez les garçons et du silence (de l’hyperadaptabilité) chez les filles…Mais d’où viendrait cette « hyperadapabilité scolaire » ?

Osons le dire : les filles seraient-elles toujours culturellement + « soumises », + dociles face au système ? Seraient-elles + aptes à « faire plaisir », à ne pas faire de remous, à ne pas exprimer de souffrance ? Serait-ce notre philosophie sociétale millénaire qui s’exprime encore : la femme se soumet, elle prend sur elle, elle n’a pas encore vraiment droit à l’expression de sa souffrance, de son mal-être ?

Mais nos filles souffrent-elles moins pour autant ?

Ne méritent-elles pas la même chance de trouver leur propre voie, de se connaître elles-mêmes ?

Peut-être verrait-on alors disparaître cette explosion du taux de consultation des femmes en psychothérapie à l’âge adulte, et peut-être… peut-être même que si tout cela se libérait, on verrait également chuter les taux de dépression post-natale, qui sait ?

***

Je laisse ceux qui le souhaitent réfléchir à tout cela et vous souhaite de bonnes vacances de la Toussaint, car l’Ecole Dynamique aussi ferme ses portes pour 2 semaines 🙂


9 réflexions sur “Où sont les filles ?

  1. Chez les Asperger c’est pareil. Il n’y a quasiment pas de petites filles Asperger, ce n’est qu’une fois adultes qu’elles découvrent tout cela.
    Je suis surdouée, probablement aspi et maman de 3 garçons EIP. En tant qu’ancienne EIP, jusqu’au collège, j’étais parfaitement dans le moule. Mais en y repensant, je pense que c’est aussi la société qui accepte beaucoup plus facilement certains comportement chez une fille que chez un garçon.
    L’un de mes fils me ressemble beaucoup au niveau du comportement: excessivement timide, introverti, hypersensible. Chez la petite fille que j’étais, tout cela faisait partie de mes « qualités », j’étais ce qu’on attendait d’une fille: sage, sensible et rêveuse. Chez mon fils, ça n’a été perçu que comme des défauts: il doit apprendre à s’exprimer, à se battre, à s’extérioriser, à gérer ses émotions. Moi, on ne m’a jamais demandé tout cela…
    En tant que femme, féministe, surdouée, maman de 3 garçons, je suis convaincue que ce n’est pas seulement l’éducation des filles qu’il faut changer, mais aussi celle des garçons. Oui, il faut laisser les filles s’exprimer, se révolter, mais il faut aussi laisser les garçons pleurer et rêver… Ce qu’on étouffe chez les filles, devient une injonction chez les garçons (et inversement). Laissons les simplement être eux-mêmes, tous, filles et garçons, plus ou moins sensibles, plus ou moins révoltés…

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    1. Commentaire très pertinent.
      J’étais personnellement comme vous le décrivez: « excessivement timide, introverti, hypersensible » et j’en ai beaucoup souffert, sans être surdoué. Je suis allé voir un psychologue pour tenter de sortir de cet enfermement social mais ça n’a pas changé grand chose. Plus les enseignants me criaient dessus et plus je me renfermais, un cercle infernal. Il faut dire que certains instituteurs/trices ne sont pas franchement pédagogues et en ont un concept étrange qui consiste à se défouler ou à réagir à leur échecs en hurlant et même en frappant quelques fois leurs élèves en les traitant au passage de peste ou de choléra… Cela a duré du CE1 au CM2 avec ce  » niveau faible, trop timide » dans les matières scolaires qui me poursuivait partout, ce qui m’a fait redoublé la 6ème. Ce n’est que vers la 4ème que j’ai commencé à m’ouvrir et interagir avec les autres, que j’ai pu sortir de ma peur de rencontrer l’autre, affronter le manque de confiance, une faible image de qui j’étais etc.. et l’école publique ne m’y a pas aidé je pense. Ce moule ne me convenait pas du tout mais je n’en été probablement pas même conscient et à l’époque, l’école alternative était inconnue dans la conception éducative familiale, et encore moins l’idée d’une possible éducation informelle.
      Il est vrai que pour une fille ces choses auraient peut-être semblé normale mais ce n’est le cas en fait. D’où l’importance de laisser chacun s’exprimer et grandir avec ce qu’il est, sans imposer l’image de que ce l’on se fait d’un garçon ou d’une fille. Je ne suis pas féministe ou machiste mais je crois qu’il y a besoin d’un équilibre à trouver entre les deux dans le respecter la bienveillance. Je ne crois pas du tout que l’idéologie du genre imposée aujourd’hui dans les écoles permette de vaincre ces problèmes rencontrés, bien au contraire elle en créé d’autres plus grave encore.
      Il est intéressant de constater l’absence de crise d’adolescent pour les enfants non scolarisé.

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  2. Je dirai qu’il me semble que les filles sont plus soudées les unes avec les autres dans leurs scolarité, partagent et expriment leurs diverses émotions et expériences plus facilement et naturellement. Tandis que les garçons, bien plus indépendants et moins ouverts à ce niveau sont plus portés par le refoulement de leurs émotions, se retrouvent le plus souvent à exploser ou à imploser face à leur environnement, face à eux même.

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  3. « le piege de la bonne eleve
    Si les filles sont rétribuées dans le système scolaire sur leur capacité à se conformer, ce n’est pas le meilleur chemin pour prendre des responsabilités, prendre des risques, oser, être innovant. Les jeunes filles sont souvent de bonnes élèves et cela ne leur apporte pas grand-chose d’autre que le soulagement d’un corps enseignant qui a déjà bien assez à faire avec les décrocheurs ou les mauvais élèves, qui sont essentiellement des garçons. Vous êtes bonne élève, tant mieux, vous êtes un problème en moins. C’est un peu court comme projet. C’est un gâchis, une sorte de tromperie entre ce qu’on attend des jeunes filles à l’école et ensuite. C’est ça, le piège de la bonne élève qui se referme sur les jeunes filles. »
    http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/nathalie-loiseau-le-piege-de-la-bonne-eleve-se-referme-sur-les-jeunes-filles.html

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  4. Excellent sujet encore, merci Marie 🙂

    Je suis prof en collège public et j’observe bien évidemment cette différence entre garçons et filles. Les garçons bougent pas mal et sont plus pénibles à « gérer » que les filles dans la majorité des cas même s’il y a des exceptions. C’est donc logique que les jeunes non sco et une école comme l’École Dynamique attirent plus de garçons que de filles étant donné que le mal-être dans le système public est plus fort chez les garçons que chez les filles.

    J’y vois plusieurs sources d’explications :
    – la conception du système scolaire public
    – la crise de la masculinité
    – l’organisation de la société

    Pour moi, le féminin est plus dans le ressenti, la réception, l’intérieur tandis que le masculin est plus dans la création, l’action, l’extérieur. À l’image des sexes, la vulve est à l’intérieure, reçoit et attire tandis que le pénis est à l’extérieur, envoie, va et crée. Il s’agit bien évidemment de polarités, chacun, homme ou femme, possède ces deux polarités mais au début de la vie, une des deux est majoritaire. Et ce n’est pas toujours les garçons qui sont majoritairement masculins et les filles qui sont majoritairement féminines. Il y a beaucoup d’exceptions. En travaillant sur soi, ces deux polarités peuvent-doivent s’équilibrer pour le meilleur de chaque. (Ce que la psychologue citée des bilans EIP indique pour les femmes qui après un certain temps de vie contactent, découvrent leur masculin, leur potentiel créateur sûrement nié plus jeune généralement)

    Le système scolaire public met les jeunes en situation de passivité (ils restent assis sur une chaise de nombreuses heures par jour) et en situation de recevoir l’enseignement des profs. Les garçons sont donc évidemment désavantagés car ils ne peuvent pas assez bouger leur corps, créer avec leurs mains, décider, s’exprimer. Au contraire les filles sont plus à l’aise avec ressentir, faire ce qui est proposé, apprendre et recevoir des connaissances.

    La crise de la masculinité est plus délicate à définir mais il y a bien quelque chose de juste autour de ce sujet. Dans une très très grande majorité des cas, nos élèves les plus en difficultés pour des causes principalement extérieures à l’école, le sont à cause de pères qui n’assument pas correctement leur rôle (trop violents physiquement et/ou verbalement, ou trop peu présents et démissionnaires). Ils sont dans une sorte de « tout ou rien » alors que les mères de ces mêmes jeunes en difficultés sociales s’engagent plus et assurent au moins un minimum même si ce n’est pas parfait. Un nombre non négligeables de garçons ont donc un modèle d’homme, de masculin déficient par le biais de leur père. Ceci est encore renforcé par le système scolaire dans lequel la majorité des profs sont des femmes (causes : voir point précédent).

    L’organisation de la société est aussi orienté vers une moindre présence des pères envers leur enfant :
    – travail à temps plein (alors que pour les femmes il est un peu plus facile d’obtenir des temps partiels)
    – attribution de la garde en cas de divorce plus généralement aux mères

    Voilà pour ma contribution 😉

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    1. Holala les stereotypes… les filles ne sont pas plus ceci ou cela, elles sont POUSSEES a l’etre, et les garçons pareil, et ce depuis leur première couche !
      Aux garconnets les pantalons pratiques ou survetements, aux filles les robes/collants/vetements jolis qu’il ne faut pas tacher/abimer par des activités trop physiques. Aux garcon les Legos, aux filles les poupées
      Une fille active est un « garcon manqué », un garcon actif est… un garcon
      Un garcon calme et posé est défini comme timide et on le poussera à bouger, une fille calme et posée sera encouragée à le rester.
      Un garcon qui grimpe partout c’est normal, une fille moins.

      Quelques années plus tard…
      Les filles ne sont donc pas plus à l’aise que les garçons de rester assises toute la journée, elles ont juste… plus l’entrainement ! Et de conditionnement.
      Les garcons ne sont pas encouragés a avoir des copains et leurs confier leurs emotions (alors que les filles si…), alors il doivent trouver d’autres facon de les exterioriser.

      Il n’y a la-dedans strictement rien de NATUREL, c’est une construction artificielle dans laquelle la societe et les parents ont une responsabilité enorme.

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