« Il a juste besoin d’être pris en main »

Voilà ce que l’on entend souvent d’un enfant ou d’un ado dit « à problème ».

Mais au fait, c’est quoi au juste, un « enfant à problème » ?

Ne serait-ce pas bien souvent « un enfant perdu, dans un environnement à problème(s) » ? Et malheureusement, cet environnement agressif, perturbant, destructeur, se révèle être parfois… l’école.

Face à ces enfants perdus, dits « à problème », l’adulte répond souvent : « il a besoin d’être pris en main ». Pris en main par des éducateurs spécialisés, par la police, par une « autorité » supérieure.

Et si cet enfant « à problème » n’avait pas besoin d’une autorité supplémentaire, mais au contraire de se libérer de toute autorité intrusive et illégitime, car basée sur le simple rapport de force et l’obéissance aveugle ?

S’il n’avait pas au contraire besoin de se (re) trouver, seul, face à lui-même ? D’avoir la possibilité d’être enfin sa propre autorité, face à des adultes bienveillants, qui n’attendent rien de lui ?

Ces « problèmes » viennent souvent du fait que ce sont des enfants à qui l’on a toujours dit quoi faire et comment faire, plutôt de les laisser voir et faire par eux-mêmes, pour eux-mêmes. Avec l’impression (terriblement fausse !) qu’on leur autorisait pourtant cette liberté, qu’on ne faisait « que » les aider en décidant pour eux, en faisant pour eux (car bien sur, en tant qu’adulte, nous savons naturellement ce qui est bon pour eux, non ? Les fameux « c’est pour ton bien », « je sais ce qui est bon pour toi »…)

Mais comment pourrait-on savoir mieux que quelqu’un ce qui est bon pour lui ?

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(Conseil d’Ecole à l’Ecole Dynamique, entre compte-rendu sur ordinateur, discussion sur les règles de sécurité et cartes Pokemon ;))

Et comment pourrait-il le savoir lui-même si on ne lui laisse pas la liberté de savoir qui il est ?

La liberté de se tromper.

La liberté d’emprunter tout un tas de chemins divers, des autoroutes aux chemins à moitié tracés. Voire même de créer son propre sentier…

La liberté de reculer, de bifurquer, d’avancer à petit pas ou par grands bonds.

La liberté de savoir ce qui lui plaît vraiment, ce qui le passionne, la liberté de creuser ce qui l’intrigue, quand ça l’intrigue.

La liberté de se reposer quand il est fatigué.

La liberté de se construire loin des désirs projetés, des attentes, des choix et des jugements des autres (même de ceux qui sont « pour son bien », avec toute la bonne volonté du monde !)

Et si nous sortions enfin de cette vision « adultiste » de l’enfant, de cette idée, profondément ancrée dans notre société, que l’enfant n’est qu’un vase à modeler et à remplir, au gré des désirs et des choix des adultes ?

 

***

Merci pour vos commentaires sur l’article « De l’art de ne rien faire » = bientôt la suite 😉


9 réflexions sur “« Il a juste besoin d’être pris en main »

  1. Merci pour ce sublime article, audacieux et clair. Il remet en ordre ce que la pensée habituellement implantée a mis en désordre. Il donne des clés pour les personnes prêtes à se remettre en question. Il m’encourage. Votre action contribue à encourager les personnes qui oeuvrent aussi dans le sens de se réajuster sur le courant de la nature, de la vie.

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    1. Bien évidemment, dans mon article je n’ai pas parlé de l’importance vitale d’un entourage bienveillant (sinon il y a de quoi écrire un livre sur le sujet !). Je ne parlais pas de laisser l’adolescent face à lui-même, seul et isolé, mais de lui donner la possibilité de vivre face à lui-même, dans un cadre structurant et bienveillant (comme notre école ;)), avec des adultes respectueux et bienveillants, qui ne représentent pas une autorité imposée de force.
      Après, reste la question de « jusqu’où peut-on accompagner un être » ? S’il choisit l’autodestruction, je suppose que les racines de son mal sont très profondes. L’autre question (nettement plus dérangeante, j’en conviens), s’il continue sur la voie de l’autodestruction : peut-on/doit-on sauver quelqu’un contre son gré ?
      Bref : je n’ai pas les réponses !!

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      1. A ce niveau, l’adolescent doit être pris en charge par un thérapeute. Il n’est plus question de simplement éduquer.
        Et il n’y a pas de questions à se poser quant au fait de le sauver; son « raisonnement » est totalement biaisé par ses maux et sa construction psychique défaillante. Un premier travail de remise sur les rails d’une psyché délivrée de ses névroses les plus profondes et destructrices sera de circonstance. Encore faut il que ce travail soit réalisé dans le respect de la personne et dans de bonnes pratiques et ne pas juste le bourrer de psychotropes mais cela est un autre débat

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  2. Magnifique ode à la liberté. Pour ces raisons nous avons déscolarisé notre fils de 13 ans, il y a 4 ans. Nous avons toujours des difficultés avec l’Education nationale qui ne lâche pas prise ! Elle nous oblige a une scolarisation au CNED, alors que cela ne correspond pas du tout à notre enfant. Il est en total refus d’apprentissage, surement nous ne sommes pas intervenu suffisamment tôt, avant que le traumatisme ne soit trop grave… Il a également peur de nouer des relations proches avec d’autres enfants de son âge, car il a été victime de harcèlement. Nous ne savons plus comment nous y prendre pour qu’il puisse s’épanouir. A l’heure actuelle, nous lui laissons vivre ce qu’il a envie. Il adore les jeux en ligne Minecraft, Robocraft, etc… et passe une très grande part de son temps sur l’ordinateur, à visionner des Mangas ou avec des copains sur Skype à jouer. Il adore la lecture de livres pour ado de fantaisie, et dévore tout ce que nous pouvons lui fournir. Il vit la plupart du temps dans son monde virtuel. Toutes nos tentatives pour l’intéresser à d’autres choses restent infructueuses. Son rêve est devenir Youtubeur et nous ferons ce qu’il faut pour l’accompagner dans son choix. Peut être auriez vous un conseil à nous donner pour l’aider à s’ouvrir au monde qui l’entoure et à retrouver l’envie d’apprendre de nouvelles choses ? A sortir du cocon familial pour se créer son propre relationnel ?
    Merci

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    1. Bonjour Florence. Malheureusement, j’ai pas mal de choses dans ma besace mais pas de « conseils » à vous donner… Je ne peux (à titre personnel, ayant moi-même un fils (9,5) qui ne parle que de Minecraft et passe bp de temps devant les vidéos youtube de joueurs) vous soutenir sur cette voie de l’écoute et du respect de ses centres d’intérêts… Difficile pour nous, parents, d’y voir clair dans les jeux vidéos et la passion parfois exclusive que cela déclenche chez nos enfants… Ceci dit, votre fils a l’air d’être ouvert au monde, même si cela se fait par un écran : c’est aussi une façon de se protéger (là encore je parle à titre personnel, car ça l’est pour moi, et je ne suis plus ado ;)). Il lit également beaucoup, dites-vous, donc il n’y a pas que les écrans et les jeux vidéos.
      J’ai un jour vu une vidéo Sudbury, pour les 40 ans de l’école, où un papa demandait à un staff de Sudbury Valley School : « et si mon fils passe tout son temps à jouer aux jeux vidéos, qu’allez-vous faire ? ». « Rien ! » a répondu le staff. Quand ils sont ensuite allés interroger les anciens étudiants qui avaient bp joué, tous ont répondu la même chose : ils ont tellement joué, non stop parfois pendant des semaines (ravis de cette liberté sans limite qu’on leur laissait soudain devant les jeux vidéos), qu’ils ont tous fini par atteindre un burn-out ! Et ils sont tous passés à autre chose…
      Je me suis demandée si je devais faire ça à la maison, avec mon fils, mais je n’ai jamais osé franchir le pas ! Le staff a aussi rajouté qq chose qui m’a marquée et fait beaucoup réfléchir : nous avons très peur des jeux vidéos car nous manquons de recul, et que nous jugeons bien souvent que c’est une activité « qui vaut moins » qu’une autre. Mais ce n’est que notre jugement personnel. Dans la vidéo, il répond au papa : « et si votre fils voulait passer tout son temps à faire du base-ball, seriez-vous aussi inquiet ? ».
      Je pense que nous devons lâcher prise sur cette peur, qui sait, peut-être que votre fils ou le mien deviendront les futurs youtubeurs à succès de Minecraft, et gagneront leur vie avec ça ? Et qui sait, surement qu’après, ils passeront à autre chose ? (ou peut-être qu’ils finiront par intégrer une grande boîte de jeu vidéo – comme le papa de mon fils !!!! :D).
      Marie (à titre personnel)

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    2. Florence,
      la description que tu viens de faire correspond mot pour mot à notre fils Daniel, sauf que nous ne l’avons pas déscolarisé (du moins pas encore….) On va essayer de tester un(e) répétiteur(trice) à domicile. Je viens de rédiger une annonce dans ce sens.
      Le college où il est essaie plein de choses avec lui. Même si les enseignants ne sont pas tous coopérants, certains ont pris le parti d’essayer de l’aider, soutenus par la principale et la principale adjointe du college. Pour le moment, il a la possibilité de scanner ses cours avec un IrisScan portable et d’essayer de les organizer sur son PC.
      Bien sûr, Skype et Minecraft sont là. Il est possible que nos enfants soient en communication par ce biais 🙂 qui sait ?
      Je cherche toutes les solutions possibles et ne serais pas non plus contre les aides chimiques (ritaline, etc.) si ça peut l’aider, mais je n’ai pas cherché encore de praticien qui puisse nous le proposer.(je suis dans le 78 entre Poissy et Mantes)

      Patrick.

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