Éloge de l’intransigeance

Note : cet article est anonymisé afin de respecter la vie privée des personnes.

L’Ecole Dynamique a instauré un cadre où chaque individu, quel que soit son âge, est considéré comme une personne indépendante. En bref, cela veut dire qu’un enfant est libre d’y utiliser son temps comme il souhaite, et que le règlement intérieur s’applique de manière égal à tous les membres. De cela découle qu’un petit enfant a pour obligation d’y respecter le règlement autant que moi, et malgré notre différence d’expérience dans la vie, le niveau d’exigence en matière de respect est le même. En quelques sortes, on ne peut pas « plaider l’immaturité » lorsqu’on dérange d’autres membres de la communauté. Ça n’a peut-être l’air de rien dit comme ça, mais cela fait de l’Ecole Dynamique un cadre extrêmement exigeant pour tous ses membres, y compris les adultes. Liberté rime avec Exigence ??!! Ça vous étonne ?… La suite de l’article vous aidera peut-être à y voir plus clair.

Dès le démarrage de l’école en septembre 2015, lors de nos Conseils de Justice et d’Ecole, nous avons constaté des conséquences significatives de certaines actions de nos membres sur la sécurité des personnes (au sens large) et sur le climat de l’école. Cela nous a amené à rapidement développer une culture assumée de l’intransigeance envers les comportements indésirables, et il nous est arrivé de prendre des décisions que certains pourraient considérer comme absurdes, démesurées, voire violentes, comme la suspension d’un enfant de 9 ans pendant 2 jours pour agression physique. D’autres écoles auraient perçu cette « agression » comme une simple « bagarre de cour de récré », sans suite à donner.

Nous traitons en moyenne 4 cas par jour, pour lesquels les conséquences peuvent aller d’un simple rappel de la règle à l’exclusion définitive. Dans cet article, je vais tenter de démontrer en quoi l’acte de sanctionner est en fait l’exact opposé de la violence.

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Je perçois toutes nos sanctions comme des décisions sages et mesurées, issues de longues délibérations lorsque nécessaire, et découlant à chaque fois d’une logique quasi-implacable, lorsque l’on part du postulat qu’un enfant est une personne responsable et qu’elle mérite le même respect qu’un adulte (et vice-versa).

Dans une école conventionnelle, la majorité de ce que nous considérons comme des transgressions sérieuses (comme le harcèlement moral) passe totalement inaperçue. Les cas attirant l’attention d’un surveillant font habituellement l’objet d’un recadrage sur le moment, sous la forme d’un cri comme « arrêtez ! » ou « taisez-vous! ». Les cas plus graves (comme ne pas faire ses devoirs, transgression inexistante à l’Ecole Dynamique) sont sanctionnés par une « réparation », habituellement sous forme d’heures de colle, dont on comprend parfois difficilement le caractère « réparateur ». Les cas encore plus graves (comme les rares agressions vues par un surveillant) sont marqués d’un tampon rouge « AVERTISSEMENT », et un certain nombre de ces tampons amène l’élève en « conseil de discipline » où il pourra être suspendu ou exclu.

A l’Ecole Dynamique, nous prenons chaque transgression à notre règlement très au sérieux, car nous avons bien connu le phénomène des petits conflits qui se transforment en gros, et nous avons bien vu à quel point le climat d’une communauté démocratique est fragile. Dans un souci de préserver le climat de l’école et notre culture de liberté, respect et confiance, nous réunissons quotidiennement un Conseil de Justice pour résoudre systématiquement tous les problèmes affectant la communauté, les petits comme les gros, par le dialogue et par la sanction. Avant d’aller plus loin, j’aimerais illustrer cela en donnant quelques cas récents de sanction :

– Tu as accueilli un visiteur à l’école sans autorisation ? –> On te rappelle la procédure d’accueil des visiteurs.
– Tu joues à faire du thé et tu ne ranges pas derrière toi ? –> Tu ne pourras plus utiliser de bouilloire pendant 2 semaines, suite à quoi tu devras repasser ta « certification bouilloire » et nous démontrer qu’on peut te faire confiance pour utiliser ce matériel sans déranger.
– Tu cries sur quelqu’un et tu lui fais des doigts d’honneur ? –> Tu es suspendu pendant un jour (chaque suspension est accompagnée d’un rendez-vous avec les parents).

J’aimerais vous dire que le dialogue est suffisant pour résoudre nos problèmes, mais de fait, ce n’est pas le cas. Le dialogue et la sanction sont tous deux cruciaux. Le dialogue permet à court-terme de résoudre les malentendus, de prendre conscience des erreurs commises et de s’engager à faire de son mieux pour ne plus les commettre ; la sanction est nécessaire pour une protection à long-terme du climat de l’école.

J’étais déjà convaincu de l’absolue nécessité de la sanction avant de lancer l’Ecole Dynamique, mais je peinais jusqu’à récemment à expliquer le caractère restaurateur et même positivement transformateur d’une décision formelle qui vise à restreindre temporairement la liberté d’une personne au sein d’une communauté, en relation et à la mesure de la transgression commise. C’est suite à un événement particulier que je me suis nettement amélioré pour expliquer la logique de la sanction.

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J’avais rendez-vous avec Julie, une mère intéressée pour inscrire son enfant à l’Ecole Dynamique. Elle avait cependant énormément de mal avec le concept de sanctionner les membres, et elle tenait à prendre rendez-vous avec moi pour en discuter. Elle fait 50 min de trajet avec son fils pour arriver à l’école, et quelques minutes après le début de notre conversation, son fils se plaint et souhaite rentrer à la maison. Elle lui dit d’abord : « je t’avais dit qu’on viendrait ici pour que je puisse discuter avec Ramïn. Je te demande un peu de patience pour que je termine. » Nous tentons alors de poursuivre la conversation et je sors mon attirail d’arguments habituels : « Justice est faite quoi qu’il arrive dans l’informel et les gens se sanctionnent en permanence les uns les autres. Tu m’insultes, je réponds par une tarte. Un conflit devient nécessairement l’affaire de la communauté car il affecte le climat général. C’est normal que l’école prenne ce genre de décision pour protéger son climat. Et la démocratie a tendance à sanctionner plus sagement qu’avec une tarte. »

Cet argument a été suffisant pour moi, mais il ne l’est pas nécessairement pour tout le monde. Et Julie fait partie de ces personnes difficiles à convaincre. Mais à ce moment là, il s’est passé quelque chose pour me prêter main forte. Son fils continuait de se plaindre et demander à rentrer à la maison. Et Julie lui dit alors calmement : « je t’avais prévenu que je souhaitais aller à l’école pour discuter avec Ramïn et tu m’empêches de le faire. Du coup, la prochaine fois que j’irai à l’école, je viendrai sans toi.«  Son fils répond : « non ! »

Je saute alors sur l’occasion, utilisant cette illustration idéale du concept de sanction : « si je puis me permettre, Julie, tu es en train de faire quelque chose de tout à fait normal et de très sain, et c’est exactement ce que nous faisons à l’Ecole Dynamique. Peut-être que nous avons une manière différente de nommer les choses, mais ce que tu viens d’appliquer à cet instant est bien une sanction, malgré le désaccord de ton fils. A l’Ecole Dynamique, un des grands apprentissages que les membres retiendront de leur expérience est justement la capacité à reconnaître leurs erreurs, assumer leur part de responsabilité et accepter les conséquences. »

Julie (tenace) répond : « Mais dans mon cas, si mon fils insiste, je l’amènerai la prochaine fois. »

Et là, j’ai pris conscience d’une différence entre la philosophie éducative de Julie et la mienne sur cet aspect absolument fondamental. Julie croit en une certaine philosophie progressiste de l’éducation qui tend à répondre à tous les besoins des enfants en étant inconditionnellement positifs avec eux, car leur sentiment de sécurité passe avant tout (y compris avant le sentiment de sécurité des adultes ?…). On empêche ainsi les enfants de rester dans une frustration ou dans une colère, car la source de cela est un besoin inassouvi, et ne pas assouvir à ce besoin ferait de nous de mauvais parents ou éducateurs.

Je suis en désaccord avec cette philosophie, et je pense que cette interprétation particulière de ce qu’on entend par « éducation positive » a poussé Thomas d’Ansembourg à écrire « Cessez d’être gentil, soyez vrai ! » L’éducation « positive » ou « bienveillante » ne veut pas dire qu’on doit dire « oui » à tout ce que veut un enfant et l’empêcher de faire l’expérience de toute émotion négative. Ce type d’éducation implique tout d’abord d’être bienveillant envers soi-même et de respecter sa propre liberté. La liberté d’un enfant ne vaut pas plus que celle d’un adulte, et si un adulte sacrifie ses libertés au profit de celles d’un enfant, celui-ci va tester cette limite jusqu’au bout, jusqu’à accéder au pouvoir le plus grand possible de manipuler ou contrôler son entourage, car il aura compris que c’est de cette manière là qu’on obtient ce que l’on souhaite, et non à travers la développement de relations équilibrées avec les autres.

Je réponds alors à Julie : « Ce qui nous sépare, c’est que je ne considère pas la liberté de ton fils comme étant plus importante que la mienne du simple fait que c’est un enfant. Ici, nous respectons toutes les personnes de la même manière, quel que soit leur âge. S’il ne peut pas respecter ma liberté d’avoir une conversation avec un autre, il transgresse une règle assez fondamentale dans notre école (le dérangement), et j’attendrai de ma communauté qu’elle protège ma liberté d’avoir une conversation avec quelqu’un quand je souhaite l’avoir. Le jour où tu seras prête à offrir cette indépendance à ton fils, et que tu considéreras que la liberté des autres vaut autant que la sienne, alors l’Ecole Dynamique sera là pour lui. »

Cet événement avec Julie m’a permis de passer un cap dans la compréhension de la sanction comme un acte indispensable. Et j’ai plus tard réussi à même formuler en quoi la sanction est un acte stimulant l’évolution positive de l’individu et de sa communauté, car il est protecteur plutôt que punitif. En éducation bienveillante, on parle souvent de « sanction réparatrice » (ex : tu as versé du jus par terre –> tu le nettoies), mais il existe de nombreuses transgressions qu’on ne peut pas réparer (ex : tu as embêté ton copain) et dans ce cas, il y a des conséquences irréparables (le sentiment de sécurité affective de ce copain sur le moment), et tout ce qu’on peut faire alors est d’appliquer une « sanction protectrice« , qui va permettre de solidifier la règle et rendre encore plus difficile à l’avenir pour un membre d’embêter un autre à l’avenir.

Et c’est bien cela qu’il s’agit : les règles que nous votons au Conseil d’Ecole sont là pour protéger la liberté et non la réprimer. Les sanctions que nous votons au Conseil de Justice ne sont pas là pour punir mais pour protéger le climat de l’école et l’espace privé de chaque individu qui la compose. A l’Ecole Dynamique, nous n’imposons aucun cadre sur les enfants, mais nous bâtissons plutôt notre propre cadre à nous, nos « boucliers » de protection de nos espaces privés.

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Nous avons dressé une liste de comportements qui tenteraient de percer nos « boucliers », et les sanctions permettent de rendre ces « boucliers » bien réels et de les solidifier. En expérimentant et en se heurtant à ces limites, on se fait parfois un peu mal, mais c’est comme cela qu’on apprend dans quel environnement on vit, et ce que la communauté considère comme acceptable ou non. Si les boucliers sont faits de mousse plutôt que de métal, on pense que tous les « interdits » sont en fait négociables vu qu’il n’y a aucune conséquence lorsqu’on frappe et qu’on se heurte à ces pseudo-limites. Le travail de notre école est de marquer ces limites avec une intransigeance totale, et en se heurtant à ces limites, les membres intègrent des repères indispensables. Ils se sentent alors en sécurité, car ils voient bien que ces « boucliers » sont aussi là pour les protéger eux-mêmes, de manière tout à fait égalitaire par rapport aux autres.

J’espère que cet article saura questionner les parents qui me lisent. Si votre fonctionnement se base toujours sur la punition arbitraire et violente sans cadre clair, alors il suffit de faire preuve d’un minimum d’empathie et de se demander : « Est-ce que je consentirais à un système où l’on donne une fessée à quelqu’un pour un mot de travers, quel que soit son âge ? ». Mais j’imagine que ceux qui en sont là ne lisent pas le blog de l’Ecole Dynamique. Non, je m’adresse plutôt à ceux d’entre vous qui fonctionneraient dans l’approbation inconditionnelle. Je pense que c’est un jeu dangereux qui nécessite forcément de sacrifier sa propre sincérité. La question à se poser en priorité est « comment aimerais-je être traité pour me sentir bien ? » et non « comment dois-je traiter mon enfant pour qu’il se sente bien ? ». L’enfant apprendra naturellement à respecter les autres si vous persévérez dans l’apprentissage de vous respecter vous-même. Votre liberté individuelle, votre espace privé, votre sincérité… En bref, vos boucliers !

Donc oui, cessez d’être gentils, soyez vrais, et soyez mêmes intransigeants !


26 réflexions sur “Éloge de l’intransigeance

  1. Merci Ramïn pour ton témoignage.

    Je me permets de rebondir en vous proposant cette vidéo que je trouve très intéressante, de Miguel Benasayag, présentant son travail sur la notion de conflit.

    Je vous invite à ce sujet la lecture de l’ouvrage co-écrit avec Angélique Del Rey « l’éloge du conflit ».

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    1. Génial 🙂 ça me rappelle une conversation avec Hannah Greenberg durant mon séjour à Sudbury Valley, où je lui ai dit que la partie que je trouve la plus intéressante dans l’expérience Sudbury est lorsqu’on résout des conflits, et qu’on pourrait résumer ce type d’école comme « un espace où on peut pratiquer le conflit en toute sécurité ». J’ai vu s’est yeux s’ouvrir grand et s’illuminer de joie. Elle était touchée et ravie que j’en sois arrivé à cette conclusion, et elle m’a dit que c’est une très belle manière de décrire ce type d’école. J’ai eu une conversation récente aussi durant une balade au parc Monsouris avec un de nos membres (11 ans) et il me disait : « Ramïn, c’est fou, j’ai complètement changé d’avis ici sur les problèmes. Les problèmes sont super intéressants. Tout à l’heure, j’ai enfin commencé à comprendre quelque chose que je fais parfois et qui a tendance à énerver mes amis, et sans le Conseil de Justice, j’aurais eu beaucoup plus de mal à me rendre compte de ça. Maintenant, je vois les problèmes de manière beaucoup plus positive. Ce n’est plus quelque chose de mal pour moi. C’est justement grâce à ça qu’on apprend des choses et qu’on s’améliore. » Et à ce moment là, je pense qu’il y a eu dans mes yeux cette même illumination joyeuse que Hannah a eu lorsque je lui ai fait l’éloge du conflit, en référence à ce qui se passe dans nos écoles. Le conflit, ça déchire ! ……… au sens positif du terme !! 😉

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  2. Je serais un peu plus nuancé que Ramin tout en admettant l’importance de ce qu’il souligne, mais je l’ai déjà exprimé dans un autre commentaire je crois ou dans ce billet (http://education3.canalblog.com/archives/2015/11/26/32986687.html) qui réagissait au même problème. Certes, Ramin rejoint Jean Oury dans la conception et l’intérêt de la sanction, il s’agit toujours de comportements perturbateurs pour le collectif ou manifestement nocifs pour le perturbateur lui-même. Mais la règle ou la loi font l’impasse des fonctionnements qui, soit provoquent des comportements anormaux pour le collectif, soit qui empêchent des comportements naturels. Autrement dit il n’y a pas de « justice » si ne sont pas interrogés simultanément les fonctionnements autant que les perturbateurs, c’est à dire la cause des perturbations. La suppression de la cause intrinsèque au collectif vient toujours en amont comme la cause extrinsèque (hors du lieu collectif) qui demande elle une reconnaissance et de l’aide plus qu’une sanction.

    C’est sur un autre point de l’intransigeance que je voudrais souligner : dans tous les systèmes conventionnels basés sur l’application des règles et des sanctions, les repères qui permettent de se comporter comme le système le demande sont clairs, faciles à percevoir et surtout à se plier. Jean Oury (psychiatre) et son frère Fernand (instit spécialisé)qui avaient affaire à des enfants dits difficiles, c’est-à-dire surtout en perte de repères, donnaient à la sanction ce rôle de retrouver des repères à condition qu’ils aient au préalable participé à l’élaboration de la loi.

    Mais il n’y avait pas le paramètre de la liberté totale dans les projets, activités de chacun. Là les repères ne sont pas donnés à l’avance, il faut que chacun comme le collectif se les construisent et ils sont d’une complexité infinie que ne peuvent définir n’importe quelles règles.
    Se repérer et se situer dans le relationnel avec les autres, dans le relationnel avec le collectif, se reconnaître et se faire reconnaître (beaucoup de comportements perturbateurs ont cette raison), évoluer parmi les autres dans la complexité permise par la liberté, … l’implicite y est beaucoup plus important que l’explicite.

    Cette difficulté nous la constations chaque fois que des enfants venaient d’une autre école. Il leur fallait un temps d’adaptation et ils étaient même demandeurs de l’autorité de l’adulte qui leur dise ce qu’ils pouvaient faire ou ne pas faire. Je pense qu’on n’a pas toujours conscience de cette difficulté.

    Loin de moi de contester la pertinence de ce que dit Ramin, d’autant plus nécessaire dans le démarrage d’un lieu de liberté quand la liberté est inusitée ailleurs. Toutefois il me semble qu’il ne faut pas que l’intransigeance se transforme en radicalisation car alors elle devient vite insupportable même si elle ne tombe pas dans la caricature comme cela est parfois les cas dans la pédagogie institutionnelle. Les cadres sont utiles comme il est utile de pouvoir les briser ou de s’en passer à un moment ou à un autre. On devient vraiment libre lorsqu’on en n’a plus besoin.

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    1. Salut Bernard. Merci pour ce complément. J’ai toujours apprécié nos échanges sur ce sujet, et ça m’a aussi permis d’avancer. Je pense que ce que tu dis est non seulement compatible mais même concrètement ancré dans la culture de l’école dynamique. La sanction est loin d’être un automatisme, et elle est souvent questionnée en profondeur, en incluant la personne sanctionnée dans le dialogue, pour bien comprendre ensemble les tenants et aboutissants de la sanction et ce qu’elle permettrait d’accomplir. Elle s’insert dans une stratégie globale d’évolution de la conscience individuelle et collective. Lorsque tu parles de s’intéresser aux « causes profondes » qui ont mobilisé les comportement en question, c’est justement un travail qui est fait avec un grand sérieux par le CJ pour étudier le cas dans toute sa complexité, et on se rend souvent compte qu’une série de petites transgressions ont provoqué des plus grosses. On prend chacune de ces petites transgressions au sérieux et elles sont aussi formalisées et sanctionnées à la mesure de ce que tout le monde considère comme raisonnable et juste. Au stade où on en est, les enfants ne présentent plus du tout ce symptôme dont tu parles de « chercher l’autorité adulte » qui était assez présent chez certains au début, et ça vient bien évidemment du fait qu’on les laisse tranquilles et que la figure d’autorité est concrètement le conseil d’école, qui n’est ni adulte ni enfant. On voit de plus en plus souvent les enfants et ados être totalement à l’aise et nous remettre à notre place. Ils se permettent de dire les choses telles qu’elles sont, telles qu’ils les ressentent. Tout cela est évidemment extrêmement délicat à manier, et c’est très important que les cofondateurs d’une telle école soient sur un chemin permanent vers le non-jugement en toute situation, pour que la sanction ne soit pas moralisatrice, mais qu’elle nourrisse la protection et l’équilibre de la communauté. Ces fameux boucliers dont je parle et qui me maintiennent en sécurité et sérénité dans cette communauté.

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  3. Ce qui me dérange dans le cas de cette maman, outre le fait qu’elle reconnait elle-meme que sa menace ne sera pas suivie d’effet, c’est le pourquoi que je devine derriere : en effet la sanction est arrivée sans que l’enfant soit prévenu, ce que je trouve injuste, et elle aussi sans doute.

    Si à la 2e (ou 1e) fois qu’il derange elle lui avait dit « Si tu nous deranges encore une fois, alors je reviendrai sans toi » + fournir un jeu/livre/suggestion d’activité pour eviter qu’il s’ennuie, si c’est le pb, car ca peut arriver, et qu’il avait continué, alors là oui, on peut dire « Je t’avais prévenu » et rester ferme. Mais balancer une punition bam! comme ca sans prévenir je suis désolée mais je n’adhere pas. Le probleme n’etant pas la sanction mais la toute-puissance du censeur.

    C’est ce qui fonde l’importance de regles, de reglements, réfléchis et présentés dès le depart, et rappelés régulièrement (notamment pour les plus petits, ou pour les choses qui n’arrivent pas souvent), et dans le cas de manquements qu’on n’avait pas prévus, d’une jurisprudence non rétro-active : « On n’avait pas précisé que, donc en toute justice tu peux couper à la sanction si tu le désires (mais pas à la réparation), mais a partir de maintenant la regle est claire pour tous ».

    Et je reste convaincue que des sanctions sans aménagements et sans une tentative de compréhension du processus (ici, comprendre le besoin : ennui, faim, besoin de bouger, qui aurait sans doute pu etre résolu (ou en tout cas entendu) tout en préservant la conversation) sont improductives à long terme.

    Dans le cas de la bouilloire je ne vois pas comment apprendre quoi que ce soit en étant totalement privé, c’est pourquoi j’aurais proposé pour ma part privation sur une période plus courte (quelques jours) puis une période probatoire pendant laquelle l’usage est autorisé MAIS sous la surveillance de qqn, ce qui est soit instructif soit humiliant (dans ce cas l’enfant le transformera de lui-meme en privation s’il préfère) et permet aussi d’observer son évolution, puis le repassage du permis. L’écueil, qui fut peut-etre le votre d’ailleurs, est la disponibilité/responsabilite de cette personne chargée de la surveillance (l’impossibilité d’utiliser la bouilloire quand elle est absente/indisponible faisant bien sur partie de la sanction)

    Par ailleurs j’ai du mal à concevoir une totale egalité de traitement entre un enfant de 3 ans, un de 6, un de 10, un tout juste majeur et un adulte. En ce qui concerne les attentes, oui, mais la façon de les gérer, de les prévenir, de les sanctionner ? Cela reviendrait à revenir 1 siecle en arriere, quand on attendait des enfants une sagesse adulte. Grace aux neurosciences on sait à présent pourquoi il est irréaliste et injuste d’attendre d’un cerveau immature un fonctionnement mature. Ai-je mal compris votre propos à ce sujet ?

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    1. Bonjour Leonie. Par souci de simplicité, je n’ai pas raconté l’histoire dans tous ses détails. Julie a essayé une diversité de stratégies dont celles dont tu parles, comme offrir une grande diversité d’options de jeux et choses à faire pour son fils, qui n’était pas du tout coopérant à ce moment là. Il disait « non » à tout automatiquement. Il voulait juste partir, un point c’est tout, et il était déterminé pour arriver à cette fin. Par ailleurs, elle avait bien communiqué à son fils sur son besoin au préalable, et ça relève aussi d’un certain bon sens de vouloir faire son activité sans être dérangé. Je ne vois pas grand-chose à reprocher dans la manière de Julie de traiter son fils. La difficulté est de vivre une relation mère-fils en permanence, qui me semble être la cause profonde d’une communication parfois difficile, et qui arrive entre toutes personnes qui sont trop les uns sur les autres tout le temps. Et là on touche à la remise en cause de la famille nucléaire comme structure de base dans nos sociétés, et on commence à aller assez loin… Ce sera peut-être l’objet d’un autre article…

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      1. Bonjour
        « ça relève aussi d’un certain bon sens de vouloir faire son activité sans être dérangé » : indubitablement, mais la sanction encourue, elle, n’a pas été annoncée préalablement (dans VOTRE version, désolé on ne peut réagir qu’à cela), c’etait cela le pb que je soulevais, pas de savoir si on a le droit ou non de déranger qqn.

        « La difficulté est de vivre une relation mère-fils en permanence, qui me semble être la cause profonde d’une communication parfois difficile » « toutes personnes qui sont trop les uns sur les autres tout le temps » : je ne peux m’empecher d’entendre dans ces phrases des jugements. On peut vivre ensemble en permanence et se faire respecter sainement sans être laxiste.

        « Je ne vois pas grand-chose à reprocher dans la manière de Julie de traiter son fils. » : c’est interessant comme précision car ce n’est clairement pas ce qui ressort de votre article, notamment les derniers paragraphes sur l’éducation « dite positive » qui expriment clairement un désaccord et une critique vis a vis de ce que j’appellerais moi du laxisme pour éviter toute confusion : l’éducation bienveillante INCLUT, elle, nécessairement de la frustration, des refus, des colères et la façon de les gérer.

        Je vous laisse revenir sur la question des plus petits et de leur cerveau immature, que qqn sur FB a également abordée..

        Cet angle de vue m’apporte d’ailleurs une reflexion a propos de la reaction de cet enfant, au risque d’être accusée de faire de la psychologique à deux sous : il me semble assez étonnant de voir deux adultes vouloir discuter tranquillement de qqch qui concerne cet enfant en premier chef finalement : (les conditions et conséquences de) son inscription dans cette école. Au dela de la question de la gestion des transgressions, et sans connaitre son âge, « je veux rentrer » ne pourrait-il pas etre sa reponse à la question de savoir s’il a envie d’être là ? Dans cette perspective il serait effectivement sage de revenir avec lui (et donc de trouver une autre « sanction » à son attitude, après avoir cherché si cette lecture est la bonne) : car si chaque fois il trouve le moyen de gêner les discussions, ce peut etre un signe de manque de savoir-vivre, mais peut etre aussi plus simplement sa façon à lui d’exprimer son désaccord. Y compris si on a pensé à lui demander son avis et qu’il a semblé accepter : une obstruction systématique qd il est sur place n’est-elle pas plus parlante qu’un « oui » théorique ?

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      2. Réfléchir quasi quotidiennement sur le vécu et le pourquoi du vécu et donner à voir sa réflexion est une pratique et un exercice que devraient faire tout espace dit alternatif ! C’est un don pour une mutualisation et nous pouvons tous vous remercier Ramin et Marie d’oser vous mettre ainsi au jour.

        C’est vrai que tout propos est souvent pris abruptement s’il n’est pas contextualisé. Et le contextualiser n’est pas facile pour ceux qui n’ont pas vu vivre un lieu et qu’ils ne peuvent imaginer qu’au travers du filtre de leurs représentations. Beaucoup de ceux qui disaient m’avoir compris étaient ahuris quand ils venaient passer quelque temps dans mon école. Marcel Trillat d’envoyé spécial disait « avoir débarqué sur une autre planète » d’où l’appellation « école du 3ème type » !

        Ceci dit il me semble qu’il y a deux niveaux de compréhension à distinguer :

        – celui de la structure et du fonctionnement d’un système vivant et des principes sur lesquels il s’appuie.

        – celui du comportement de chacun dans ce fonctionnement et la variété des interrelations générées.

        Je plaçais ton billet Ramin dans le premier niveau. Je placerais le commentaire de Léonie dans le second niveau où d’autres considérations sont aussi à prendre en compte. Mais celles-ci et les attitudes qu’elles nécessitent sont fluctuantes suivant les contextes, les moments, alors que la structure du système vivant reste plutôt stable tant qu’elle est efficiente ou évolue dans le temps.
        Je pense que le problème que pose Léonie est plutôt celui de l’adaptabilité aux circonstances et aux personnes, celle-ci concernant plus les adultes qui ont à maintenir l’harmonie de la structure que les enfants. Il devient impossible alors de généraliser ou de systématiser des attitudes, ce d’autant que le tâtonnement éducatif implique des erreurs que l’on ne sait erreur qu’après les avoir faites ou qui n’auraient pas été erreur dans d’autres circonstances, avec d’autres personnes. C’est le principe de l’incertitude positive. « Qu’aurais-tu fais » me demande-ton souvent, invariablement je répondais « je n’en sais strictement rien ! »

        C’est bien dans la complexité qu’il faut rentrer, celle-ci ne permettant pas de prévoir tous les cas, toutes les attitudes à avoir. Je dirais la simplexité : la structure dissipative du système est simple, ce qu’elle permet et ce qui s’y passe est complexe !

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    2. Ok, du coup, je prends un petit pas de recul et je reprends sur des choses plus basiques et théoriques, car sinon je risque de m’enliser dans un argument dont les fondations ne sont pas bien posées.

      Julie était dans une réflexion très long terme et son enfant était trop petit (3 ans) pour que sa présence en CJ soit réellement d’actualité. Pour les tout petits, nous résolvons les problèmes dans l’informel, avec un petit dialogue sur le moment. Elle souhaitait néanmoins avoir une discussion de fond sur ce sujet car cela l’intéressait.

      Quand je dis que Julie n’a pas grand chose à se reprocher, c’est aussi justement parce qu’elle est dans cette démarche de questionnement quotidien, qu’elle lit pas mal sur l’éducation et la parentalité, qu’elle ose partager sa vision sincèrement, qu’elle expérimente différentes choses, qu’elle cherche, qu’elle évolue… D’ailleurs après cet article on a échangé quelques e-mails très intéressants et on est tous deux contents d’en apprendre tous les jours.

      Concernant « demander l’avis des enfants » : oui, bien sûr. Tout enfant qui met les pieds à l’école dynamique y est parce qu’il a envie d’y être et il a signifié très clairement cette volonté, et il la reconfirme tous les jours. « Aller à l’école » n’a plus du tout ce caractère « obligatoire » chez nous. C’est l’endroit où on vit, tout simplement. Pas l’endroit où on doit aller entre le métro et le dodo pour survivre.

      Ensuite, sur le fait de prévenir des conséquences qu’auront leurs actes : oui, on est aussi dans cet exercice, c’est aussi pour cela que nos dialogues en CJ durent longtemps, pour questionner ce qu’il y a de plus approprié à faire. Les conséquences sont très claires pour tout le monde du fait de plusieurs choses :
      1) On fait habituellement d’abord un rappel de la règle (qu’on considère aussi être une « sanction ») quand on se rend compte que la règle n’avait pas été bien comprise et qu’elle n’est pas si évidente
      2) Lorsque la règle découle du bon sens (crier, harceler, etc.), on avertit habituellement des conséquences possibles d’un tel comportement. C’est normalement après avoir déjà été averti des conséquences qu’on reçoit une sanction contraignante.
      3) Les membres sont en général au courant de beaucoup d’exemples de cas et des sanctions, et cette jurisprudence construit la conscience collective de « telle chose est passible de telle sanction ». C’est justement les cas, bien plus que les règles, qui clarifient brique par brique notre cadre.

      Par contre, on ne peut pas établir a priori une échelle précise des sanctions pour chaque transgression, car il y a une infinité de niveaux de gravité et une infinité d’éléments de contexte à prendre en compte dans chaque cas, qui est totalement unique, d’où l’intérêt d’un Conseil de Justice qui a la responsabilité de réfléchir à une solution qui fait honneur à toute la complexité de chaque cas totalement unique.

      Il n’y a pas forcément égalité de traitement sur tous les âges, mais il y a égalité de respect, de considération, de prise au sérieux. Ce n’est pas parce qu’un enfant a 3 ans qu’on va considérer qu’il serait trop bête pour comprendre les transgressions. Par contre, on va évidemment ne pas être totalement étonnés du fait qu’il lui faudra peut-être 10 fois pour comprendre un truc qu’un enfant de 9 ans comprendrait en une fois.

      J’aimerais aussi insister sur le fait qu’on ne voit pas la transgression de règles comme une chose mauvaise et abjecte qu’on essaierait de minimiser et éviter à tout prix. La transgression et le conflit font partie de la vie, et ils permettent même de mieux nous comprendre les uns les autres. Ils permettent de mieux comprendre la société dans laquelle on vit, et on apprend tous les jours des choses géniales en Conseil de Justice. Je sais que c’est difficile à visualiser, mais c’est vraiment une autre planète comme dit Bernard. Il faut vraiment le vivre pour comprendre que tout ce processus est une recherche permanente qui nous permet de nous développer positivement.

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  4. – Il y a toujours les principes ou les théories… et le pragmatisme dans leur application ! Surtout que nous, qui faisons appliquer les principes, sommes avec nos faiblesses inclus dans ceux qu’ils visent.

    – « Si elle lui avait dit… » remarque très intéressante parce que nous les adultes sommes souvent piégés (ou révélés) par nos propres mots. Il m’a fallu un certain temps et la remarque d’un enfant pour m’apercevoir que je disais très fréquemment « Fais MOI ceci, peux-tu ME faire cela… » Autrement dit « peux-tu ME satisfaire ? » et que ce que je pensais être une proposition était en fait perçu comme un ordre. Une anecdote que j’ai souvent racontée : Nous avions par l’intermédiaire du courrier, de nos journaux ou du minitel de multiples échanges auxquels participaient des adultes. Un collègue ami avait communiqué un texte où il parlait très amicalement des « mômes ». Il reçut une volée de bois vert, publiée à tous par l’intermédiaire de notre journal, d’un garçon de 8 ans qui lui demandait entre autres comment il réagirait si lui parlait publiquement des adultes sous les termes de « vieux », de « croulant », même amicalement ! Ce qui avait provoqué d’autres réactions et débats avec les enfants du réseau et une réponse publique embarrassée avec excuses et amende honorable du collègue !

    – Je pense qu’il faut toujours distinguer ce qui se passe dans la sphère familiale de ce qui se passe dans la sphère collective. Les positions et les postures des uns et des autres sont différentes, les relations affectives n’y sont plus du même ordre, le social-historique des deux entités n’est pas le même. Pour moi le social-historique qui crée les cultures est très important, ce qui fait aussi que ce qui est valable à un moment T devient différent à un moment T’.

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    1. Article et débats très intéressants, merci.
      Comment cela se passait-il dans une école de 3ème type? Est-ce le même procédé avec des réunion commune de justice et rendus des sanctions? C’est toujours intéressant de connaitre les différents fonctionnements.

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      1. Il me semble qu’à Moussac, Bernard n’organisait pas un système de sanction. Les problèmes étaient résolus par le dialogue et par des aménagements du cadre.

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      2. J’avais un peu répondu d’avance avec ce billet : http://education3.canalblog.com/archives/2015/11/26/32986687.html

        Mais je répète encore que ce à quoi nous étions arrivés n’avait pas été posé d’emblée, c’est au cours d’un long processus que nous avions abouti à cela.

        Lorsque j’ai débuté, je n’avais aucun principe (peut-être quand même quelques aversions remontant à l’enfance !) et mon propre comportement n’était pas très différent de celui de mes collègues (j’étais peut-être un peu plus paresseux qu’eux 😦 ou 🙂 !) Autrement dit les principes, ce sont les enfants et la vie avec eux qui me les ont appris ! (voir par exemple cet autre billet : http://education3.canalblog.com/archives/2015/09/21/32658592.html

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  5. Cet article est très intéressant mais les commentaires le sont encore plus (y compris les réponses de L’auteur). Merci à l’auteur de l’article ainsi qu’aux autres personnes qui ont commenté et qui ont soulevé des questions qui me semblent importantes et ont permis de préciser des choses qui n’ont pas été dites, notamment Leonie (maturité du cerveau etc.).

    Je me permets d’ajouter quelque chose. Dans son Article, Ramïn dit qu' »il existe de nombreuses transgressions qu’on ne peut pas réparer (ex : tu as embêté ton copain) et dans ce cas, il y a des conséquences irréparables (le sentiment de sécurité affective de ce copain sur le moment), et tout ce qu’on peut faire alors est d’appliquer une « sanction protectrice« « .
    Je ne suis pas sûre que cette affirmation soit tout à fait correcte. S’il est vrai qu’il est plus facile de trouver une réparation à propos d’un objet, il n’est pas impossible de réparer les conséquences d’une transgressions de ce genre. Par exemple, il est tout à fait possible de proposer le modèle de la communication bienveillante, de constater le fait (sans jugement), de laisser la victime exprimer ses émotions, ses besoins. Puis par exemple faire reformuler celui qui a transgressé (s’il le peut et s’il l’accepte) et de trouver ensemble comment réparer et cette réparation peut être proposée par la victime, le transgresseur, ou éventuellement, si ce n’est pas possible ainsi par le conseil de justice. Il est intéressant lorsque ce sont les victimes avec les personnes qui ont causé du tort qui trouvent ce qui peut réparer. Ce n’est pas toujours la même chose pour tous et la résolution du conflit par les personnes en question (encadrée dans ce cas, mais non dirigée, directement sanctionnée par une règle inflexible) me semble véritablement enrichissant dans cette direction de la liberté et de l’autonomie.

    Dernière petite chose. Il me semble que lorsqu’on exclut un enfant, c’est véritablement un échec. De même que la prison dans notre société n’est pas une solution selon moi, l’exclusion, l’éloignement ne l’est pas non plus dans l’école. J’imagine que c’est beaucoup discuté en conseil et que cela n’arrive qu’en « dernier recours », que ce n’est pas une décision prise à la légère (ou à la rigide). Cependant c’est une pratique qui a été longtemps utilisée et qui, à part mettre au ban certaines personnes qui ont des difficultés, cela n’a servit en rien à la personne exclut de même qu’à la société qui l’a mis en pratique, au contraire. Du moins il me semble. Je pense qu’il y a toujours un accompagnement possible, mais peut-être que je me trompe et qu’au niveau de la pratique, c’est très compliqué de ne pas faire ainsi.

    J’en profite pour demander si le personnel est aussi soumis à cette possibilité d’exclusion (ce qui doit être complexe au niveau formel puisque c’est un travail et qu’il y a des lois extérieures à l’école à ce sujet).

    Encore merci pour toutes ces questions fondamentales et passionnantes.

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    1. Bonjour Rani. Merci beaucoup pour ton intérêt.

      « Par exemple, il est tout à fait possible de proposer le modèle de la communication bienveillante, de constater le fait (sans jugement), de laisser la victime exprimer ses émotions, ses besoins. Puis par exemple faire reformuler celui qui a transgressé (s’il le peut et s’il l’accepte) et de trouver ensemble comment réparer et cette réparation peut être proposée par la victime, le transgresseur, ou éventuellement, si ce n’est pas possible ainsi par le conseil de justice. »
      Le Conseil de Justice fait tout cela. Ce n’est pas une instance d’échanges purement intellectuels et froids, qui semble être ce que tu projette. C’est une réunion où respire l’humanité, la bienveillance, le partage des émotions et des ressentis, tout ça tout ça. Nous sommes une communauté de personne qui nous côtoyons tous les jours et on a des rapports personnels. Ce serait absurde de se traiter les uns les autres comme des accusés/témoins/juges etc. comme on voit au tribunal. La Justice est belle et on la fait humainement.

      Concernant l’exclusion, elle n’est jamais arrivée pour l’instant. On a eu une personne qui est partie d’elle même, et on a décidé de ne pas la réintégrer si elle en faisait la demande, car cette personne était trop dangereuse pour la sécurité physique des personnes. L’exclusion peut être nécessaire pour préserver la paix et la sécurité dans notre communauté. Je n’ai aucun problème avec cela. Nous ne sommes pas une structure adaptée à tout le monde. Les personnes qui souffrent d’un trouble leur empêchant de garantir la sécurité des personnes autour d’elles ne sont pas les bienvenues dans notre groupe. Il y a des structures plus adaptées que nous pour s’occuper de ces personnes. On a juste fondé UNE école. Il peut y en avoir plein d’autres qui n’excluent jamais et fond du social/médical. On accepte nos limites et les domaines dans lesquels nous n’avons pas les compétences, notamment la thérapie.

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  6. Bonjour ;
    deux remarques qui me tiennent à coeur.
    -Je suis bien d’accord pour « cesser d’être gentil » et suis convaincue de l’importance de respecter nos limites MAIS je sens chaque jour combien il est plus difficile pour une femme de tenir ce cap. Nous avons été élevées avec un impératif social très fort qui est précisément « sois gentilLE !  » alors que les garçons doivent « être forts ! « . Par conséquent, le travail nécessaire pour accéder à l’assertivité chère à Thomas d’Ansembourg, est bien plus dur/long pour nous, je pense… sans vouloir tomber dans des stéréotypes simplificateurs, je retrouve aussi cette différence dans les divergences de ton et d’approche dans les commentaires ci-dessus…
    – la seconde remarque concerne cette phrase « Le jour où tu seras prête à offrir cette indépendance à ton fils, et que tu considéreras que la liberté des autres vaut autant que la sienne, alors l’Ecole Dynamique sera là pour lui. », que je comprends aussi fortement et que je partage… j’ai envie de dire hélas ! Pcq derrière, il y a bien l’idée que la démocratie, la vraie, n’est pas accessible pour tous, tout de suite ! Et pas à cause d’une question d’argent finalement contingente… 😉 mais d’avancée sur le chemin.
    la démocratie réelle et totale doit-elle se limiter à une partie de la population prête pour elle? C’est terrible et pourtant… A Athènes, seul 10% de la population participait à la démocratie…. C’était donc de fait plutôt une oligarchie… Et je me questionne beaucoup sur cette question de la massification de la transition pour nos écoles… Et de la définition de démocratie, en fait ! 😉

    Voilà, ton article m’a fait gamberger pendant mes vacances et de retour, c’était toujours là donc il devait falloir que je le partage ! Merci en tous cas pour ces pierres sur mon chemin…

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  7. Il y a au moins une personne qui donne des fessées quelquefois qui lit votre article. Nous n’avons tout simplement pas le même point de départ. Pour moi, la route est longue et cela fait cependant quelques années que je m’intéresse à ces thématiques d’éducation, de non-violence… Je ne désespère pas de m’améliorer chaque jour un peu plus et je pense ne pas être seul dans ce cas malheureusement.

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  8. Vous avez mis exactement le doigt sur ce qui me gênait le plus profondément dans l’éducation positive : ce sentiment que les besoins des adultes étaient constamment subordonnés à ceux des enfants, dérive dans laquelle je vois s’épuiser certains adultes. Cet article me permet aussi à moi de bien clarifier ce sentiment et je vous en remercie. Je suis enseignante dans le public, mais je trouve la démarche de l’Ecole dynamique vraiment intéressante, je m’y retrouve beaucoup. J’aimerais juste que ce genre de logique puisse imprégner davantage l’école publique, car je crois à l’école pour tous.

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    1. Bonjour,
      Beaucoup de personnes pensent que l’éducation positive est permissive alors que c’est tout le contraire. Les limites sont très définies. De plus elle est bienveillante pour les enfants ET pour les adultes, qui en aucun cas ne doivent se sacrifier. L’équilibre doit se trouver pour que les besoins de chacun soient satisfait. Par contre la sanction ne fait pas partie de l’éducation positive et est contre-productive à long terme. Cela engendre beaucoup de dégât, très pernicieux, mais le futur adulte en sera affecté.

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      1. Bonjour Lola. Il me faut d’abord résoudre un malentendu. Je n’ai pas critiqué « l’éducation bienveillante », d’ailleurs, je connais effectivement très peu ce domaine, donc je ne me permettrais pas. Je mettais plutôt une expérience vécue en lumière, et ce n’est pas la seule. J’ai témoigné pas mal de fois de parents qui me semblaient ne pas se respecter eux-mêmes dans leur manière sacrificielle de traiter leurs enfants. Aucun courant éducatif, heureusement, ne prône cela. Ce qui est malheureux, c’est que des parents lisent parfois des choses sur le fait d’être positif et bienveillant, et ils en arrive à pratiquer des choses qui me paraissent déviantes. Là-dessus, nous semblons être tous les deux d’accord : des parents et/ou éducateurs ne devraient pas se laisser marcher sur les pieds et se respecter eux-mêmes dans leur relation aux autres, que ce soit d’ailleurs avec les enfants ou qui que ce soit d’autre. Et ce, quel que soit le courant éducatif duquel on se réclame, que ce soit celui de la bienveillance ou de la fermeté, ou toute combinaison de multiples étiquettes. Peu importe les étiquettes, en fait. Les principes ne valent pas grand chose tant qu’on n’a pas vu comment ils se déclinent dans les actes et la pratique. Bref, là-dessus, nous sommes d’accord : rien ne justifie de se laisser marcher sur les pieds, et l’éducation bienveillante ou positive n’a d’ailleurs rien à voir avec ça (bien heureusement !).
        Ensuite, ce qui semble te déranger, c’est qu’on ne résolve pas nos problèmes, dans notre collectif, seulement à base de communication, mais qu’on prend aussi des décisions formelles de limiter temporairement la liberté d’un membre lorsqu’il transgresse une règle de vie collective. Or, dans un collectif où les enfants sont libres de vivre leur vie comme bon leur semble et où ils ne sont pas surveillés (ce qui nous semble important, pour qu’ils puissent faire leur propre expérience sans le regard permanent d’un adulte vigilant à leurs paroles, faits et gestes, aussi bienveillant qu’il soit), alors on remarque qu’ils leur arrive de communiquer et régler leurs comptes de manière violente dans l’informel. C’est de l’expérience qu’on voit la nécessité d’établir un cadre de vie collective où l’on protège le respect de chacun et le climat de l’école en général, et la CNV connaît ses limites une fois qu’on se confronte au problème de membres qui ne souhaitent tout simplement pas communiquer (et ça arrive souvent !), et les forcer à communiquer reviendrait à sanctionner (nos sanctions sont d’ailleurs parfois une simple ré-explication de la règle ; on a juste officialisé le fait que le collectif à expliqué la règle à untel, et qu’un accord est renouvelé qu’il fera de son mieux pour la respecter à l’avenir ; et s’il n’aime pas la règle, il peut d’ailleurs amener une proposition en conseil d’école pour la modifier). Pour ma part, la pratique du Conseil d’Ecole (où on se met d’accord ensemble sur des règles de vie commune) et le Conseil de Justice (où l’on sanctionne les transgression à ce règlement) est la manière la plus intègre et équitable que j’ai trouvée pour organiser un vivre-ensemble dans la paix, et c’est celle que j’ai choisie. Ce n’est pas un choix par défaut. Je pense qu’un collectif, quel qu’il soit, a besoin d’une autorité (qu’elle soit démocratique ou pas) pour protéger chaque individu et le climat général. Ne t’en déplaise, tout le monde ne pense pas exactement comme toi : que le modèle ultime de vie collective serait un modèle où on ne décide jamais de sanction (donc au final, où les gens se sanctionneraient les uns les autres dans l’informel, à moins qu’il y ait un sage-référent qui regarde les individus en permanence et facilite un processus de CNV à chaque fois qu’il voit quelque chose, ce dont je ne veux clairement pas, référent un système où tout le monde est considéré comme sage-référent du collectif, et qu’il n’y en n’a pas un plus ou moins responsable que l’autre de ce point de vue). Par ailleurs, ce choix n’est pas seulement le miens, mais celui des familles (parents ET enfants) qui ont rejoint cette école. Le fonctionnement de l’école leur est expliqué le plus clairement du monde au moment des admissions (et pas comme dans ce blog où j’argumente en faveur de l’approche et où j’en fais l’éloge ; l’entretien d’admission est à 100% un exercice de clarté et à 0% un exercice commercial). A la suite de toutes ces explications, on poursuit ensemble seulement s’ils adhèrent à l’ensemble. L’enfant fait alors une période d’essai de 2 semaines, et si le système ne lui plaît pas (ce qui est déjà arrivé pas mal de fois), il poursuit son chemin vers autre chose. Il n’y a aucun engagement obligeant qui que ce soit à venir ou rester à l’école dynamique. Donc où est le problème si on s’est tous mis d’accord avec ce système et qu’on veut tous ça et pas autre chose ? Où considérerais-tu qu’un enfant n’est pas assez mûr et compétent pour choisir son école ? (là on ne serait vraiment pas d’accord ; j’ai témoigné de la capacité de nos plus jeunes de 4 ans à expliquer le fonctionnement de l’école à leurs amis et cousins et le comparer aux autres écoles, et argumenter sur la comparaison !) Il existe heureusement plein d’autres systèmes, et un enfant qui n’aime pas le nôtre trouvera certainement chaussure à son pied ailleurs. La clé est de permettre à une grande diversité de systèmes d’exister (ce que j’essaie de promouvoir dans mon TED Talk).
        Tout ceci étant dit, je suis toujours ouvert à changer d’avis (et j’ai changé d’avis sur beaucoup de choses de nombreuses fois dans ma vie). Seulement, j’ai été habituellement capable de le faire face à des personnes qui pouvaient clairement me relater leur expérience personnelle face à la vie collective avec des enfants libres (avec un groupe d’au moins 20 enfants) et comment il/elle s’y prend pour faciliter la résolution des transgressions au règlement (ou des règles implicites s’il n’existe pas de règles écrites). Dépendant de ton niveau d’expérience en la matière et de la clarté avec laquelle tu pourrais m’expliquer comment tu t’y prends, tu pourrais peut-être m’aider à évoluer. Par contre, si tu n’as jamais vécu une telle expérience, alors je ne vois pas trop comment tu peux m’aider. J’ai appris 1% en lisant et 99% en pratiquant, donc je n’ai pas grand-chose à faire de commentaire généraux et théoriques du genre « la sanction fait des ravages à long terme » car c’est tout simplement incohérent avec le vécu. Une critique devient constructive dès lors qu’une alternative est proposée et suffisamment étayée.

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  9. Bonjour,
    J’ai le sentiment que vous confondez éducation positive et permissivité, ce qui très différent. Dans l’éducation positive ( ou bienveillante) les limites sont essentielles.
    En revanche votre modèle se base finalement sur le bâton et la carotte, alors qu’il y a des méthode beaucoup plus efficaces et qui autonomisent l’enfant… Lorsque je vous lis je ressens beaucoup de colères et d’incompréhension : j’ai l’impression que vous ne connaissez finalement pas beaucoup votre sujet et que vous essayez de justifier votre choix éducatif (car en fin de compte s’en est un) car vous n’avez pu réussir à faire autrement… Si cela est le cas je vous souhaite d’avoir le courage de vous remettre en question afin que cette école ne soit pas une fois de plus un endroit où la sanction est la seule réponse trouvée par les adultes…
    Car on peut faire autrement, d’autres écoles alternatives le montrent et cela se fait sans débordement tout en respectant l’enfant et son autonomie.
    Bien à vous.

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